Bruno BINI : « Pour 2012, je dis « Lalaluli » à mes filles »

Dernière partie de notre entretien en compagnie du sélectionneur Bruno Bini qui revient sur les deux derniers matches de Coupe du monde et la fin de l'année 2012.



Une conférence de presse d’un autre monde

« C'était casse pied. J’étais malade parce que j'avais mangé vite, ça avait d'ailleurs jeté un froid dans la salle. Des journalistes américains ont voulu nous brancher sur l’affaire de DSK et de chose qui n'avait plus rien à voir avec le foot. La FIFA nous avait aussi obligé à faire 45 minutes de route de l'hôtel jusqu'au stade pour faire la conférence de presse et tout ça pendant la sieste des joueuses la veille du match. J'avais alors demandé à « Caro » (Caroline Pizzala) qui n'avait pas encore joué si elle pouvait me dépanner et m'accompagner. Elle m'a dit : « Bien sûr ». De toute façon à chaque conférence de presse, j'ai essayé d'emmener quelqu'un de différent et je me débrouillais toujours pour que l'on glisse vers eux. »

Les Etats Unis : Goldorak et un manque d'expérience

« On a payé cher notre manque d'expérience. On a affronté une équipe qui a été quatre fois de suite dans le dernier carré d'une Coupe du monde, ce n'était que notre première fois. Mais on a été meilleur dans le jeu et à 1-1, on a une occasion pour tuer le mach. Mais ce n'était pas notre jour. Pourtant on s'était bien préparé, on n'avait pas plus la pression que ça et tout le monde avait envie mais c'est le foot. Les Etats-Unis ont presque eu 100% de réussite et puis Wambach elle fait 1m85, c'est Goldorak. Dès qu'il y a un duel a aérien, t’es pas mort mais tu es bien malade… »

La Suède : « Une injustice »

« On s'était préparé comme si c'était une finale. On avait fait le jeu mais on prend ce but d'enfer de Lotta (Schelin) après une erreur de défense. On revient à 1-1 et puis il y a ce fait de jeu (l'arbitre accorde un corner qui n'a pas lieu d'être) qui est pour nous la plus grosse injustice de cette Coupe du monde. Mais personne n’a rien dit, ni pendant le match, ni après le match… C’est aussi cela l’état d’esprit de l’équipe… Sonia a aussi été pris en grippe par le public qui s'est comporté comme dans un match de garçons. Personnellement j’ai aussi trouvé cela injuste par rapport à ce qu’elle est en tant que joueuse et en tant que femme. Avec la Coupe du Monde qu’elle a faite elle ne méritait vraiment pas cela. Et puis c'est triste quand on finit quatrième, car là on n'a rien eu, même pas une poignée de mains. »

La prolongation de contrat

« J'ai eu un rendez-vous avec le Président deux jours après le match contre la Suède pour lui présenter le projet de la sélection. On a parlé 50 minutes de l'équipe et 5 minutes de mon cas personnel. On s'est tapé dans la main et c'était réglé. Au travers de la discussion le Président m’a respecté en tant que sélectionneur et tant qu’homme. Et cela est grandement respectable à mes yeux. J'ai cru comprendre que ma prolongation était une évidence parce que la Fédération était contente de notre parcours certes mais aussi des valeurs qu'on a dégagées. Le président a été très proche de nous pendant toute la compétition. Depuis, l’équipe et moi-même sommes sortis de la Ligue fédérale amateur et de la Direction Technique Nationale. Aujourd'hui, il y a une équipe de France hommes et une équipe de France femmes. Je suis concentré à 100% sur l’équipe de France et j’assure sa promotion dans les Ligues et les Districts… Je suis une sorte de VRP de l’équipe de France. Cela me permet de continuer à avoir une grande proximité avec la base.»

Félix-Bollaert, la Pologne, les Corons

Le match contre la Pologne à Lens était vraiment exceptionnel. Quel accueil on a eu ! Quelle fête ! C'était une vraie communion. Le public nous a bien rendu ce qu'on leur avait donné pendant la Coupe du monde. Et puis à la fin du match, les « Corons » ça te prend vraiment au tripes. J'étais bras dessus bras dessous avec Georges Westerlynck, l'entraîneur de Gravelines, on a chanté et partagé ce moment ensemble. Jo, ancien professionnel, c'est un homme simple, honnête et travailleur. Un homme comme je les aime. Donc partager ce moment avec lui, chez lui le chti, m’a comblé de bonheur. Bien sûr qu’après il faut revenir sur terre… Mais je sais d’où je viens et je ne l’oublie pas… »

Les forums, le refus d'une grande nation, la mise au point

(photo Sébastien Duret)
« Ce que j'ai du mal à supporter et ce qui fait que bientôt je n'irai plus sur Internet, ce sont les gens qui avancent masqués et qui bombardent. Gratuitement, sans savoir. S'ils ont quelque chose à me dire, ils n'ont qu'à m'écrire à la Fédération. Je leur répondrai dans la mesure de mes possibilités. Quand on attaque l'homme c'est dégueulasse, mais il paraît que c'est la rançon du succès...
La FFF et moi nous nous sommes faits massacrer sur les forums par rapport à nos adversaires depuis la Coupe du Monde. Alors une fois pour toutes voilà comment cela se passe…On espérait affronter une grande nation dans les matches amicaux donc on a demandé aux six fédérations mieux classés que nous s'ils voulaient disputer un match amical mais on n'a eu que des réponses négatives. Certaines équipes comme les États-Unis ne souhaitaient pas faire 15h d'avion pour faire un match contre la France et je le conçois. Ensuite on demande aux 6 nations classées juste derrière nous. Pour le mois de février on va rencontrer les Pays-Bas, 13e du classement FIFA. Au passage je dois vous dire qu’ils nous ont déjà fait la cerise trois fois lors de nos trois dernières confrontations et ont été en demi-finale du dernier euro. Lors de notre tournée en Guadeloupe et en Martinique, on affronte l'Uruguay qui est au bas de l'échelle mais si on ne les joue pas, on n’a pas d’adversaire et on ne fait pas de tournée. Et puis on prend le Mexique qui a juste perdu contre le Japon en Coupe du monde. Mais contre eux on fait 20 minutes de rêve, on ne va pas s'excuser de ça encore !
Une autre grande nation devait aussi venir mais ils ont eu des demandes pire que le Barça. Ils ont exigé 30 places d’avion en Business, 5 jours dans un 5 étoiles à Paris, 3 loges au stade de France, un car, des voitures...On ne va pas perdre le budget de toute une année pour un match amical. Il faut être sérieux !

Parrain de La Chapelle Saint-Mesmin

Il y a une équipe féminine qui s'est monté à La Chapelle Saint Mesmin où j'habite, on m'a demandé d'être le parrain de l'équipe et j'ai accepté. Ils ont même organisé une réception pour que je rencontre les filles, il y avait près de 150 personnes.
Je suis allé ensuite les voir jouer un dimanche matin. Elles se débrouillent bien et ont un très bon état d’esprit. Je suis heureux de les accompagner quelque peu…

Et pour cette année 2012 ?

On veut continuer à rêver et à faire rêver. On a des gros matches éliminatoires pour se qualifier à l'Euro il sera toujours temps de penser aux J.O après. 2011 a été ma plus belle année professionnellement parlant mais je prend ce que la vie me donne, elle me donne beaucoup en ce moment. Mais je sais aussi que ce qu'elle te donne d'une main, elle te le reprend souvent de l’autre...Le balancier est en haut pour l'instant et s'il me revient dans la figure, ce ne sera que la vie. Enfin pour 2012, je dis « Lalaluli » à « mes filles ». Elles comprendront.

Thibault Simonnet à Orléans


Vendredi 3 Février 2012
Thibault Simonnet