Campagne fédérale sur la féminisation du football : entretien avec Elisabeth Bougeard-Tournon

Le lendemain de la qualification des Bleues pour la Coupe du Monde, la FFF lançait une campagne nationale pour la féminisation du football. Entretien avec Elisabeth Bougeard-Tournon, chef de projet du football féminin, qui a collaboré à cette action avec la Direction de la Communication.



(source : FFF)
Adriana Karembeu est devenue ambassadrice du football féminin en France en mars dernier, comment la campagne de communication lancée en septembre dernier a-t-elle été conçue ?
L'idée initiale était qu'avec Adriana Karembeu comme ambassadrice, on ne pouvait pas ne pas utiliser son image, physique et morale. Il y a un an quand elle avait été approchée, elle avait dit oui avec beaucoup d’enthousiasme, car elle était ravie d’avoir un vrai rôle dans le football, sans être simplement « femme de » (NDLR : Christian Karembeu). A partir de là, la Direction de la Communication a fait appel à l’agence avec laquelle la FFF travaille pour nous proposer une démarche, à double détente : Casser les préjugés, et recruter. Pour les deux, il nous faut plus de visibilité.

Quels ont été les moyens proposés et utilisés avec Adriana et l'agence de communication ?
Avec quelqu'un de connu comme Adriana, qui véhicule de bonnes valeurs, nous avons chercher à toucher plus de monde. La campagne Internet et les visuels ont ainsi pu toucher le grand public et permettre aux femmes intéressées par le football de se faire connaître. Nous avons passé un accord avec un site féminin grand public aufeminin.com, et mis en place sur le site fédéral "fff.fr" un mini-site spécifique pour les personnes puissent se faire connaître http://www.fff.fr/footballaufeminin Durant 3 semaines, la une du site de la FFF ouvrait un lien sur ce site qui a permis à plusieurs centaines de femmes de se renseigner sur le football et de s’inscrire auprès de leur Ligue. Nous avons aussi eu de nombreux entretiens dans la presse grand public (journaux gratuits, magazines féminins, Le Monde...).

"Le grand public a pu découvrir la femme dans le football"

Quels étaient les messages que la FFF souhaitaient faire passer ?
Le but était de casser les idées préconçues sur le football, de parler des femmes dans le football et de la possibilité d'y venir. Le site http://www.fff.fr/footballaufeminin permet d'avoir des informations succintes sur l'élite, les jeunes, le développement, le rôle de la femme dans le football. Le grand public pouvait ainsi prendre connaissance de ce qui existe. Il était aussi possible de remplir un formulaire pour se renseigner sur toutes les fonctions du football. Ce formulaire était directement orienté vers la Ligue de résidence de la femme en question. On a avec les premiers résultats pu constater beaucoup d'intérêt pour les fonctions d'arbitrage, ou d’éducatrice. La thématique de la féminisation du football, c’est de renforcer la présence de femmes dans le foot, mais ça n’est pas exclusif au football féminin, bien au contraire. La femme doit avoir une meilleure place dans les instances, dans les comités directeurs, dans les écoles de foot, dans les équipes de jeunes, filles ou garçons :

Cette campagne n'est cependant qu'une étape dans une démarche plus importante. Quelle est-elle ?
Elle accompagne de plus longs travaux. Nous avons réalisé une quantification des femmes dans le football avec un recensement des femmes dans toutes les strates du football. On sait aujourd’hui où sont toutes les femmes dans le foot et à quel poste ! Les résultats seront publiés par la suite. Nous avons et sommes encore en train de réaliser avec la Commission de Féminisation des entretiens auprès de femmes et hommes identifiés en France pour leur action en faveur des femmes, ou pour leur totale inaction. A partir de là, nous axerons nos travaux pour permettre une meilleure ouverture de la femme dans notre milieu, en commençant par des préconisations et un plan de féminisation sur plusieurs années.

"Il nous fallait quelqu'un qui porte un message sinon on reste dans l'anonymat"

L'utilisation d'Adriana Karembeu comme ambassadrice a parfois amené à des remarques disant qu'elle n'avait rien avoir avec le football féminin. Qu'en pensez-vous ?
Adriana Karembeu est une militante. Il nous fallait quelqu'un qui porte un message sinon on reste dans l'anonymat. Cette idée a tout de suite été comprise et adoptée. Elle a conservé, grâce à son mari un lien fort avec le football. Elle véhicule de bonnes valeurs grâce à ses autres engagements qui fonctionnent bien. La seule chose qui a parfois été mal compris, qu’on utilise un "mannequin". Mais elle n'est pas là pour représenter les gens du football, elle est là pour en attirer d'autres, pour ouvrir l'esprit et susciter des vocations chez des femmes qui n’y auraient même pas pensé, ou qui n’osent pas. Et surtout, elle est devenue une passionnée du foot au féminin, des joueuses, et de la cause féminine dans un sport où l’on ne parle quasiment que des garçons. Et elle fait tout cela bénévolement ! Elle dit avoir découvert sur le terrain des gens formidables, qui se battent pour défendre leur place, pour faire vivre ce football des femmes. Elle est visiblement ravie d’apporter son concours à une telle cause. Elle sait qu’il faudra du temps, mais elle est prête.

La première étape de la campagne est terminée, comment cela va-t-il se poursuivre désormais ?
Des visuels ont été créés et transmis sous la forme de kits à toutes les ligues, districts et clubs de D1 et D2 féminines. Ils vont maintenant être utilisés pour des actions promotionnelles que les Ligues valideront. Pour cela, il est nécessaire que ces kits soient utilisés pour aller au devant des jeunes mais aussi des adultes, de la population féminine, élargir le terrain car tout cela s'adresse aux femmes en général.

"Aujourd'hui, on est dans l'ère du people et de l'image"

Et vous allez aussi pouvoir bénéficier de la qualification des Bleues à la prochaine Coupe du Monde ?
La qualification de l'Equipe de France a permis de mettre un coup de projecteur à notre campagne. Cette qualification est essentielle pour l’avancée de nos travaux. Il faudra maintenant réorienter l’action promotionnelle vers le terrain pour continuer notre démarche de promotion, faire du buzz, utiliser la médiatisation. Le football, c’est d’abord le terrain, et cette année, c’est d’abord notre locomotive, l’équipe de France. Mais aurions-nous été sollicités par Stade 2 pur une participation en studio sans Adriana ? Ils nous ont appelés en disant : «On voudrait Adriana Karembeu en plateau pendant une émission (NDRL : le 7 novembre)… C’est comme ça, on en pense ce qu’on en veut mais c’est la réalité. On est dans l’ère du people et de l’image. Mais, pour la FFF, ça va être un excellent vecteur pour parler de la qualification, des clubs en Coupe d’Europe, du tirage de la Coupe du Monde à venir… et on revient vite au terrain.

Comment le président par intérim de la FFF, Fernand Duchaussoy a-t-il réagi ?
Il a trouvé que cela était une vraie bonne idée. Il a fait remarquer que cela cassait les habitudes, et surtout qu’on avait la chance d’avoir une ambassadrice d’une telle qualité humaine. Sans même parler de sa plastique…

Enfin, pouvez-vous nous parler de la Commission de la Féminisation qui a été mise en place il y a un an ?
Comme je l’ai dit, elle est en phase d'analyse de l'enquêtre qualitative et quantitative. Les résultats nous permettent de casser certains préjugés comme par exemple : 12% des dirigeants sont des femmes, 8 % sont dans les comités directeurs. Nous avions sollicité 28 000 femmes, près de 6.000 ont répondu ce qui est un fort taux pour une enquête. On a pu constater que 15 % souhaitent se former et évoluer mais sont freinées par le manque de temps, etc. Cette Commission est une grande première à la FFF puisqu’il s’agit des femmes et non plus uniquement de la pratique féminine, et il paraît, d’après le Ministère, que nous sommes la première Fédération à avoir une Commission dédiée sur cette problématique. C’est cette démarche qui a été récompensée, en mars dernier, lorsque Rama Yade nous a remis le trophée national « Femmes et Sport ». Il faut continuer.

Entretien réalisé par Sébastien Duret

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Mardi 26 Octobre 2010
Sébastien Duret