L'entretien VESTIAIRES - Bruno BINI : "Nous pouvons aller au bout !"

L'équipe de France féminine va débuter face au Nigéria une Coupe du Monde qui suscite énormément d'engouement en Allemagne et autant d'espoir chez le sélectionneur national. Bruno Bini est en effet convaincu que "ses" filles ont le potentiel pour aller loin. Après le titre européen de Lyon, les Bleues semblent avoir les atouts pour entrer dans l'histoire du football féminin et ancrer encore davantage cette discipline dans le paysage footballistique national. (par J.G.)



"Le développement du foot féminin ne repose pas uniquement sur l’équipe de France"

M. Bini, avez-vous le sentiment que le développement du foot féminin passe nécessairement par un bon parcours de vos joueuses durant ce Mondial ?
Je mentirais en disant que ça n’aurait aucune incidence… Attention toutefois à ne pas ajouter de pression supplémentaire au groupe. Faisons en sorte que les joueuses soient concentrées sur leur compétition et leurs performances. L’objectif est de faire une bonne Coupe du Monde. Le reste suivra… Cela ne sert à rien de leur dire, "il n’y aura pas d’explosion du nombre de licenciées en France si vous ratez votre tournoi".

L’impact serait tout de même indéniable en cas de réussite, non ?
Oui, ce serait positif… Mais il ne faut pas se reposer uniquement sur l’équipe de France.

On a l’impression que, d'un point de vue médiatique, cette Coupe du Monde est beaucoup plus attendue que les précédentes. On se trompe ?
Je n’ai pas vécu les autres, je peux donc difficilement répondre. Néanmoins, nous avons participé aux championnats d’Europe en Finlande il y a deux ans. Effectivement, les conférences de presse étaient déjà impressionnantes. En Allemagne, les stades seront pleins, l’atmosphère sera à la hauteur. Alors l’impact médiatique risque, en effet, d’être très important.

"Les trois quarts des rencontres seront jouées à guichets fermés."

D’une manière générale, le football féminin est plus médiatisé qu’il y a une dizaine d’années. Estimez-vous que les choses bougent, notamment en France ?
Oui. Rien qu’au haut niveau, les clubs commencent à se professionnaliser. C’est une bonne chose. Montpellier, Lyon, avec d’autres moyens que les autres, sont présents. Le travail est de qualité. Il faudrait que dans les trois-quatre ans à venir, il y ait quatre à cinq clubs de ce standing pour que le championnat de D1 progresse.

Les clubs professionnels de L1, comme l’OM, ont pris conscience de l’apport que pouvait leur garantir la création d’une équipe féminine…
Effectivement. Pour prendre l’exemple de Marseille, le club a reçu 300 demandes de la part de joueuses pour intégrer l’ensemble de la section féminine, rien que sur le District ! C’est énorme. A Marseille, quand une petite fille demande à son papa si elle peut prendre une licence dans un club, il dit non en général. Si c'est à l’OM, il dira oui. On voit donc tout l’intérêt de la mise en place de sections féminines au sein des clubs pros.

Pour en revenir à la coupe du monde, l’Allemagne est un véritable pays de football féminin. On peut penser qu’il n’y avait pas meilleur hôte pour organiser l’événement…
D’autres grandes nations de foot féminin auraient également brillamment rempli ce rôle... Et la France n’aurait pas eu à rougir ! Nous avons tout de même réuni plusieurs milliers de spectateurs lors des matches amicaux. Maintenant, c’est vrai que l’Allemagne a tout gagné, et les trois quarts des rencontres seront jouées à guichets fermés.

Est-ce une motivation supplémentaire pour vous-même et vos joueuses qui n'y sont pas forcément habituées ?
Ce n’est que du bonheur… On sait déjà que notre dernier match de poule face aux Allemandes se jouera à Mönchengladbach devant 50 000 personnes. Cela ne va pas nous gêner outre mesure, bien au contraire. Nous sommes préparés à cela. Pendant la compétition, le gros du travail sera de protéger les joueuses, faire en sorte qu’elles prennent un peu de distance par rapport à ce tout qui va se passer autour. Elles ne devront penser qu’à jouer.

Sérieusement, vous avez une chance de battre l'Allemagne, qui plus est dans un tel contexte ?
Vous savez, lors du tirage au sort, beaucoup ont dit que nous étions tombés dans le groupe de la mort. Moi, rien ne me gêne. Nous jouons certes contre trois champions de confédération (Allemagne, Canada, Nigéria, ndlr), mais nous avons toutes nos chances. Les filles doivent avoir conscience que beaucoup de sélections aimeraient être à notre place aujourd'hui. Bref, il n’y a pas de groupe de la mort. C’est simplement une belle compétition à disputer. L’Allemagne est triple championne du monde, quintuple championne d’Europe… Mais un jour, tout s’arrête, non ? Alors, pourquoi pas ? En tout cas, on mettrait un sacré bazar si on parvenait à terminer leader du groupe, parce que tous les supporters allemands ont acheté leurs billets en pensant que leur sélection prendrait la première place à coup sûr (rires).

"On ne peut pas se contenter de se qualifier pour les quarts de finale."

Pensez-vous que les Allemandes puissent faire un complexe de supériorité ?
Les matches, il faut les jouer… Elles sont sûres d’elles. On verra. Ce qui est certain, c’est que l’Allemagne est une formation très complète et très solide, avec une culture de la gagne qui fait souvent la différence.

Que pouvez-vous nous dire sur le Canada ?
C’est une équipe qui a le même niveau que la nôtre, à ceci près que les joueuses sont un peu plus athlétiques que nous, mais moins techniques.

Et le Nigeria ?
Nous n’avons pu les observer que sur vidéo. C'est une sélection habituée à disputer les phases finales. Il y a à la fois des filles d’expérience et des joueuses qui ont terminé deuxièmes de la Coupe du Monde des 20 ans l’année passée. C’est un groupe ouvert.

Vous avez franchi pour la première fois la phase de poules d’une grande compétition internationale lors du dernier euro. Cela a du forcément vous aider à préparer ce Mondial ?
Oui, c’est une chape de plomb qui n’a plus lieu d’être. Psychologiquement, je peux vous assurer que ça nous a fait un bien énorme ! Nous allons aborder la Coupe du Monde dans d’autres conditions, et c’est tant mieux.

Quelles sont les principaux atouts de votre équipe ?
C’est une équipe qui sourit à la vie et au jeu. Quand nous avons pris en charge la sélection en 2007, nous avons défini un projet de vie avant de proposer un projet de jeu. Quelles sont les règles que l’on va mettre en place pour bien vivre ensemble ? Les joueuses ont émis leurs propres idées. Elles ont participé à l’établissement du projet et se sentent donc doublement investies. Elles ne sont pas consommatrices mais actrices de leur projet. Alors attention, l’équipe de France, ce n’est pas la république des joueuses… C’est la République de l’équipe de France. Et jusqu’à preuve du contraire, c’est moi le président. Je suis là pour arbitrer. Mais la discussion est permanente.

Dernière question : avez-vous lmes moyens de remporter l'épreuve ?
Oui, comme les 15 autres équipes qui vont y participer… On ne peut pas se contenter de se qualifier pour les quarts de finale.

propos recueillis par J.G.

Avec Footengo, la Coupe du Monde est à suivre en direct sur footofeminin.fr

BRUNO BINI
Né le 1 octobre 1954 à Orléans
Parcours
Joueur : Aix en Provence (1972-73), Nancy (1973-74), Tours (1974-75), Orléans (1975-76), Meung sur Loire (1976-79), Orléans (1979-81).
Entraîneur : France féminines U16 (1993-97), France féminines U18 (1997-04), France féminines A (depuis 2007).
Palmarès : champion d'Europe U19 en 2003

Vendredi 17 Juin 2011
Sebastien Duret