Marinette Pichon : « Tout lâcher ! »

L’actuelle recordman de buts en équipe de France donne son avis sur les Bleues à une semaine du début de la Coupe du monde. Début d’une série avec Marinette Pichon, aujourd’hui au service événementiel et communication au sein du conseil général de l’Essonne.



Marinette était présente à la Coupe du Monde en 2003, ici face au Brésil (photo archive)
Marinette, que vous inspire cette équipe de France ?
J’ai un peu suivi leur préparation et je trouve qu’il y a un bon groupe qui va permettre de faire un peu ses preuves. Le match à Sinsheim contre le Nigeria sera l’occasion de monter doucement en puissance et puis terminer par l’Allemagne, ce sera un beau test. Si elles arrivent à passer ce premier tout, ce sera une superbe performance.

Les Bleues peuvent aller loin ?
Oui, elles peuvent créer la surprise. Maintenant, il va falloir gérer toutes les phases de récupération, les rencontres et puis cette pression négative qui pourrait être néfaste car c’est un groupe qui est assez jeune. Malgré tout, il y a une ossature composée de cadres comme Soub (Soubeyrand), Sabrina Viguier qui vont permettre à tout le monde de garder les pieds sur terre. Mais ce ne sera pas facile parce qu’une Coupe du monde, c’est long. Il y a de l’attente et de l’impatience entre les matches.

« C’est une équipe qui ne lâche rien »

(photo : Sébastien Duret)
Quelle est la force de cette équipe de France ?
Son jeu vers l’avant. Marquer un but de plus que l’adversaire peut faire la différence. Et puis c’est une équipe qui ne lâche rien. Les filles ont montré qu’elles se dépouillaient les unes pour les autres et c’est agréable à voir.

Y a t-il des joueuses françaises qui vous ont impressionné ?
Gaëtane Thiney, sans vouloir la flatter, a pris une dimension supplémentaire dans son poste qui était auparavant milieu offensif. Aujourd’hui, elle est devenue une attaquante qui trouve le chemin des filets. Elle pèse énormément. Après on a aussi Camile Abily qui a franchi un palier et des petites jeunes comme Louisa Necib. Ce sont des gamines sur qui on peut compter.

Quelle équipe ira au bout ?
Je les vois bien les Allemandes finir championnes. Sans être chez elles, elles sont déjà impressionnantes, alors à domicile, elles vont « tout casser ».

Cette Coupe du monde peut-elle créer un engouement autour du foot féminin ?
Si notre équipe de France fait des résultats, ça amènera forcément les médias. Si ce n’est pas le cas, ce sera difficile.

Il manque encore de reconnaissance ?
Oui, on voit que le titre de championne d’Europe de l’OL a été très éphémère. Le Barça a été champion d’Europe et on en a parlé trois semaines avant et trois semaines après. Pour l’OL, on a eu une demi page d’avant match, une autre le lendemain et puis voilà.

« On ne peut pas en faire la promotion qu’au travers de spots un peu chauds »

Ce n’est pas encore assez ?
Il faut qu’on puisse parler du foot féminin chaque semaine dans un encart. Il faut que les gens sachent qu’il existe un championnat de France avec telle ou telle opposition. Il y a des personnes comme Jean-Michel Aulas qui ont fait preuve de volonté et de détermination vis-à-vis du football féminin français. Il a été l’un des rares à injecter un peu d’argent et à se donner les moyens de réussir. Il faut donner un peu de crédibilité et donc laisser du temps au foot féminin de faire sa place d’être reconnue. On ne peut pas en faire la promotion qu’au travers de spots un peu chauds pour que les gens se disent : « Tiens il y a des femmes qui jouent au foot ». Il faudrait que les gens voient qu’elles se débrouillent très bien techniquement, qu’elles sont habiles et un peu félines sur le terrain. C’est comme cela que l’on devrait amener cet engouement mais aujourd’hui il est fébrile.

C’est dû à quoi ce fébrile engouement ?
Il faut qu’on puisse croire en notre équipe nationale et lui donner les moyens de réussir. Même si ça a évolué, tant que les files n’auront pas de statuts pro ou qu’elles n’évolueront pas dans les conditions que les pros, on ne pourra pas prétendre à une équipe française qui tienne la baraque.

Vous avez joué la Coupe du monde en 2003 aux Etats-Unis. Quels souvenirs en gardez-vous ?Un très mauvais car on s’était fait sortir au premier tour mais aussi un très bon car le fait de jouer dans le pays où j’étais professionnel et devant les amis que j’ai pu me faire, c’était chouette. Et puis baigner dans l’atmosphère préparation de coupe du monde, stade de coupe du monde, ambiance de coupe du monde, c’était fabuleux. Et puis j’ai marqué, ça reste des moments inoubliables mais trop courts. C’est pour cette raison qu’il faut que le groupe se fasse plaisir et assure ses points pour aller en quarts sans avoir besoin d’aller chercher une victoire contre l’Allemagne. Je pense aussi que cette équipe lyonnaise a permis de montrer que la France a haussé son niveau de jeu. Le France- Allemagne sera une belle rencontre.

Un mot pour les filles ?
A tout le monde : il faut vivre ce rêve à fond et pour le vivre à fond, il faut tout lâcher !

Recueillis par Thibault Simonnet pour footofeminin.fr

MARINETTE PICHON
Née le 26 novembre 1975 à Bar sur Aube
Attaquante

Parcours
AS Brienne le Château (1991-1992), Saint-Memmie Ol. (1992-2002), Philadelphia Charge (2002-2003), Saint-Memmie Ol. (2003-2004), FCF Juvisy (2004-2007)

Sélection
Internationale A (112 sélections, 81 buts)

Palmarès
Championne de France de D1 en 2006 avec Juvisy
Vice-Championne de France en 2005 avec Juvisy
Championne de France de N1B en 1999 avec Saint-Memmie
Vainqueur du Challenge de France en 2005 avec Juvisy
Meilleure joueuse de la WUSA en 2002 avec Philadelphia Chargers
Meilleure buteuse de la WUSA en 2003
Oscar de la meilleure joueuse française de D1 en 2003 et 2005
Meilleure buteuse de la Division 1 en 2001 et 2002 avec Saint-Memmie et en 2005 et 2006 avec Juvisy
Participations aux Championnats d'Europe (1997 et 2001, 2005), et à la Coupe du Monde (2003)

Dimanche 19 Juin 2011
Thibault Simonnet