#UWCL - L'OL est-il dépendant des coups de pied arrêtés ?

À l’image du quart aller de Ligue des Championnes face au PSG (1-0), l’OL a souvent fait la différence cette saison sur un corner, un coup franc ou encore un penalty. Mais peut-on pour autant parler de réelle dépendance ? Éléments de réponse.



Les coups de pied arrêtés, arme privilégiée de l'OL (photo UEFA.com)
Un penalty avait suffi pour sceller le sort du duel de haute volée entre Lyonnaises et Parisiennes le 24 mars dernier. Tout comme le coup de tête rageur de Wendie Renard avait permis à son équipe d’être propulsée en finale de la Ligue des Championnes en août 2020. Ou encore les trois buts sur corner marqués aussi bien contre Le Havre que Reims, qui avaient offert à chaque fois une victoire au club rhodanien pour lui permettre de rester au contact de son principal rival en championnat.

Cette saison, les coups de pied arrêtés rythment les rencontres de l’Olympique Lyonnais plus qu’à l’accoutumé. Une tendance de fond devenue de plus en plus visible au fil des mois et qui perdure encore aujourd’hui. Pour autant, les racines de cette dernière semblent se dessiner depuis déjà quelques années.

Une proportion de buts sur CPA en nette augmentation

Pour mener à bien les comparaisons dans cette analyse en étant le plus précis possible, nous avons compilé les données concernant les matchs de l’OL depuis la saison 2016-2017 de notre partenaire InStat ainsi que celles de notre site ou encore de résumés vidéos. De quoi parvenir à analyser 153 des 161 rencontres disputées par Lyon toutes compétitions confondues sur cette période et 643 des 716 réalisations des Fenottes sur le terrain.

Un simple calcul du pourcentage de buts inscrits sur coups de pied arrêtés au fil des saisons TCC permet d’ores et déjà d’observer une augmentation relativement continue depuis la fin de l’ère Gérard Prêcheur. Augmentation qui s’accentue notamment depuis l’arrivée de Jean-Luc Vasseur sur le banc lyonnais à l’été 2019.

Avec 41,7% de ses buts inscrits sur ces phases de jeu en 2020-2021, dont une très large partie sur corner ou coup franc (22 sur 30 – 73,3%), Lyon affiche en effet son total le plus élevé dans ce secteur sur les dernières saisons. Pour donner un ordre d’idée encore plus clair : en l’espace de cinq ans le champion en titre de D1 est passé d’un but sur 4,2 sur CPA à un but sur 2,4 aujourd’hui, soit près du double en proportion.

Une production offensive moins qualitative

Mais comment expliquer cette montée du pourcentage de buts sur ces phases de jeu ? Plusieurs facteurs peuvent être pris en compte. Le plus évident et le plus souvent cité concerne la production offensive lyonnaise. Cette dernière est en effet moins importante cette saison par rapport à avant, comme le montre la comparaison suivante avec le nombre de buts inscrits en tout ainsi que sur coups de pied arrêtés.

On y voit un clair resserrement de l’écart entre les buts marqués en général par l’OL et ceux sur CPA depuis la première saison de Reynald Pedros sur le banc rhodanien. Pourtant, le nombre de buts sur CPA reste globalement stable au fil des saisons, preuve que c’est avant tout la chute du nombre de buts inscrits qui provoque cette augmentation du pourcentage en 2020-2021. L’observation du même graphique mais avec cette fois le nombre de buts par match conduit à un résultat similaire.

Ici, on constate mieux l’écart qui se réduit cette saison. Car si le nombre de buts sur coups de pied arrêtés est bien en hausse dès les premières saisons de Pedros (+ 0,37) et Vasseur (+ 0,39), le volume de buts marqués globalement permettait alors d’obtenir un pourcentage moins important (sachant que la saison 2019-2020 fut écourtée). De plus, la baisse de production offensive se constate ici plus nettement, passant de 5,38 buts par match en 2017-2018 avant de tourner autour de 4 les deux saisons suivantes puis de tomber à 3,27 buts par match en 2020-2021.

En se penchant sur les statistiques autour des tirs et des occasions de l’OL sous Vasseur, on y voit aussi un ralentissement entre les deux saisons. Moins de tirs (18,5 en 20-21 contre 22,4 en 19-20), souvent en prime moins cadrés (45,3% en 20-21 contre 50,8% en 19-20), ce qui donne un ratio de but par frappes en très légère baisse (1 but tous les 5,7 tirs en 20-21 contre un tous les 5,3 tirs en 19-20).

Ce volume de buts en baisse et cette difficulté grandissante à faire la différence trouve certaines explications dans le fond de jeu de l’OL. Plus pauvre que sous l’ère Prêcheur ou les précédentes, ce dernier s’est notamment affaibli dans les attaques placées, à l’image des difficultés rencontrées cette saison par Lyon lorsqu’il a fait face à des blocs denses (Brøndby, Bordeaux, Le Havre, etc.).

Là où l’équipe de Reynald Pedros compensait encore ces difficultés par un contre-pressing très présent et efficace qui lui permettait de déséquilibrer le bloc adverse, celle de Jean-Luc Vasseur a vu cette facette de son jeu s’estomper au fil de son mandat. Un constat qui s’était montré encore plus criant lors de l’opposition face au PSG en novembre dernier.

Le facteur Hegerberg

Autre élément qui vient souvent à l’esprit au moment d’expliquer cette dépendance grandissante : l’absence de la serial buteuse lyonnaise de ces dernières années Ada Hegerberg. S’il est vrai que l’OL pâtit de sa blessure, se privant de l’une des attaquantes les plus prolifiques et efficaces au monde, elle ne semble toutefois pas avoir d’impact sur la proportion de buts inscrits sur coups de pied arrêtés par Lyon sous Vasseur.

En effet, sur les 18 matchs des Fenottes en 2019-2020 avant sa blessure, ces dernières avaient inscrit 87 buts dont 35 sur CPA (soit 40,2%). Sur les 33 rencontres suivantes en son absence, à cheval sur les deux saisons, les Lyonnaises ont marqué 101 buts dont 41 sur CPA (soit 40,6%). Une proportion équivalente, signe que cette dépendance est plus rattachée au fond de jeu de l’OL qu’à une seule joueuse en particulier.

D’ailleurs, la Norvégienne n’a jamais marqué plus qu’une autre joueuse en moyenne sur ces phases de jeu. Sur les 93 matchs analysés par InStat qu’elle a disputé depuis 2016-2017, cette dernière a inscrit seulement 24 réalisations sur CPA (sur 97 en tout soit 24,7% de ses buts). Un chiffre bien loin de celui de la capitaine lyonnaise Wendie Renard, véritable atout dans ce secteur (50 buts sur 51 sur CPA en 111 rencontres analysées – 98%).

Lyon parmi les plus dépendants d’Europe

Questionné sur ce sujet des coups de pied arrêtés au micro de Canal + en janvier dernier en amont du duel entre le Paris FC et l’OL, Jean-Luc Vasseur avait balayé les interrogations en faisant valoir le fait que toutes les grandes équipes européennes tournaient généralement autour de 35-40% de buts inscrits sur ces phases de jeu. Un constat qui, aussi bien à l’époque qu’aujourd’hui, ne se vérifie toujours pas comme le montre la comparaison ci-dessous.

En zoomant sur les huit clubs quarts de finalistes de l’édition 2020-2021 de l’UWCL, censés logiquement représenter le gratin européen actuel, l’OL apparaît bien en tête et se retrouve seulement suivi de près par le Bayern Munich, actuel leader du championnat allemand. Les six autres équipes se situent elles bien en retrait, avec en moyenne autour de 25% de leurs buts inscrits sur coups de pied arrêtés cette saison.

De plus, l’influence éventuelle des championnats ne peut pas non plus être avancée, la D1 Arkema étant celui qui compte le moins de buts en proportion sur CPA en 2020-2021 sur les quatre premières ligues européennes au coefficient UEFA juste derrière l’Angleterre, l’Allemagne et l’Espagne.

En effet, sur les 340 buts inscrits cette saison en D1 Arkema, 94 l’ont été sur coups de pied arrêtés (soit 27,6%). Des disparités existent toutefois, Soyaux (7 sur 10 – 70%), Le Havre (5 sur 12 – 41,7%) et l’OL (22 sur 55 – 40%) se montrant nettement plus dépendants de ces phases que Montpellier (2 sur 22 – 9,09%) par exemple.

Enfin, un dernier argument se basant sur une éventuelle solidité défensive plus importante des clubs aussi bien en D1 qu’en Europe pourrait expliquer cette difficulté grandissante à faire la différence dans le jeu. Mais quand on prend par exemple le PSG en point de comparaison, ce dernier étant lui aussi un cador dans son championnat et ayant un poids désormais important en Europe, il n’affiche pas la même évolution.

Son taux de buts sur CPA augmente à peine si l’on s’en fit aux données d’Instat, avec 86 réalisations dont 22 sur ces phases en 2020-2021 (soit 25,6%, 22 matchs analysés), contre 22 sur 94 en 2019-2020 (23,4%, 27 matchs analysés) et 18 sur 75 en 2018-2019 (24%, 29 matchs analysés). Un accroissement de 1,6% en trois ans quand sur la même période, Lyon connaît une augmentation de 10,5%.

Une force qui cache d’autres problèmes

Si l’importance des coups de pied arrêtés pour l’Olympique Lyonnais dans cette saison 2020-2021 n’est plus à prouver, est-ce pour autant un point fort ou une faiblesse ? La capacité des Rhodaniennes à faire la différence sur ces phases, avec dans leur poche un atout comme Wendie Renard sur corner notamment, est sans aucun doute une force. Dans les matchs à enjeux qui peuvent se jouer sur des détails, un tel avantage permet bien souvent de faire pencher la balance.

Cette forte proportion de buts sur CPA semble plutôt masquer des problèmes bien plus profonds au sein du jeu des Fenottes. Si le niveau global de la D1 Arkema et du football féminin européen a certes progressé, l’OL apparaît lui plus limité dans ses options offensives qu’il y a quelques années lorsqu’il était au plus fort de sa domination. Ce qui a pour conséquence de voir sa production offensive se dégrader mois après mois.

Si la marge confortable de Lyon lui permet encore aujourd’hui d’être au-dessus du lot, cette dernière ne cesse de se réduire. Et en l’absence de renouveau ou de certaines améliorations, les difficultés ne pourraient faire qu’augmenter au fur et à mesure que les options s’amenuisent. Faisant de cette dépendance sur coups de pied arrêtés une faiblesse à long terme.

Les statistiques brutes des rencontres sont fournies par notre partenaire InStat Football : https://instatsport.com

Dimanche 18 Avril 2021
Daniel Marques