Un très bel ouvrage
Pour se procurer le livre : éditions L'Harmattan
La mixité : une réalité éphémère
Près de trente ans après les débuts du football masculin en France, quelques jeunes filles et jeunes femmes commencent à jouer au football à Paris au cours de l’automne 1917. Cette pratique nouvelle s’inscrit dans une période d’essor d’activités sportives féminines de plein air, notamment l’athlétisme et le basket-ball. Elle bénéficie du développement de l’idée sportive, d’une certaine prise de conscience de la part de pédagogues et de médecins de l’utilité de l’éducation physique pour la femme afin de construire une « race forte », et de préjugés momentanément plus favorables aux femmes dans le contexte de guerre.
La première rencontre de football féminin oppose, fin septembre 1917, deux équipes de la société de gymnastique féminine Femina Sport, créée quelques années plus tôt pour favoriser la pratique des exercices physiques des femmes de classes modestes, employées, ouvrières. Après plusieurs parties entre elles durant le mois d’octobre, ces footballeuses n’ayant pas trouvé d’équipe féminine pour faire des matches, rencontrent des équipes scolaires masculines, rencontres sans doute facilitées par la fonction du directeur de Femina Sport, Pierre Payssé, professeur de gymnastique au Lycée Buffon. Elles jouent en effet d’abord contre les élèves de cet établissement le dimanche 28 octobre, offrant ainsi pour la première fois aux spectateurs, un match « mixte », alors que la mixité des filles et des garçons est tant redoutée à l’école. Puis elles jouent contre d’autres équipes masculines de jeunes gens âgés d’une quinzaine d’années issues d’autres établissements scolaires parisiens, les lycées Charlemagne, Henri IV, Carnot, le Collège Sainte-Barbe. Elles rencontrent également les équipes de jeunes des grands clubs sportifs de la capitale, le Stade Français, le Club Français, le Club Athlétique de la Société Générale. Les matches se terminent le plus souvent à l’avantage des masculins ; en seize parties jouées en cinq mois, elles comptent une seule victoire et deux matches nuls.
On ne peut que s’étonner de l’organisation de matches mixtes alors que les activités de chacun sont par ailleurs traditionnellement séparées. « La différenciation sexuelle des espaces et la non-mixité demeurent le canevas d’organisation majeur, à l’oeuvre à l’école », le siècle nouveau conservant les modèles établis de longue date par l’usage. Cette entorse à la tradition s’explique par un effectif féminin insuffisant pour envisager l’organisation de compétitions strictement féminines. Les footballeuses de la première heure sont trop peu nombreuses pour s’affronter entre elles. Ce sera également le cas en province quand les Rémoises jouent, en 1921, leurs premiers matches de football contre des jeunes garçons, les pupilles de la Société Sportive du Parc Pommery. L’organisation matérielle de ce sport nouveau prend le pas sur les préjugés et ce sont donc bien les circonstances qui sont à l’origine de cette pratique mixte. Toutefois dans ce cas présent, la mixité est à relativiser, il s’agit davantage d’un affrontement entre les deux sexes qu’une réelle pratique mixte. Le projet plus audacieux de formation d’équipes composées de sept footballeuses et de quatre footballeurs vétérans pour permettre aux jeunes filles « d’acquérir le sens pratique tactique du jeu » proposé par Gabriel Hanot (capitaine de l’équipe de France de football et rédacteur en chef du Miroir des Sports) ne voit pas le jour.
Malgré leur succès, ces rencontres opposant jeunes filles et jeunes gens cessent dès l’année suivante sans doute en raison des réticences des instances fédérales masculines et de la création progressive d’autres équipes féminines. La mixité apparue comme une concession aux difficultés organisationnelles, comme c’est le cas dans certaines petites écoles rurales, est pour le moins une solution éphémère. La séparation des sexes s’impose et désormais les filles ne pratiquent le football qu’entre elles. Tout sera mis en œuvre pour éviter de faire voisiner sur les mêmes terrains les filles et les garçons.
La mixité : une réalité éphémère
Près de trente ans après les débuts du football masculin en France, quelques jeunes filles et jeunes femmes commencent à jouer au football à Paris au cours de l’automne 1917. Cette pratique nouvelle s’inscrit dans une période d’essor d’activités sportives féminines de plein air, notamment l’athlétisme et le basket-ball. Elle bénéficie du développement de l’idée sportive, d’une certaine prise de conscience de la part de pédagogues et de médecins de l’utilité de l’éducation physique pour la femme afin de construire une « race forte », et de préjugés momentanément plus favorables aux femmes dans le contexte de guerre.
La première rencontre de football féminin oppose, fin septembre 1917, deux équipes de la société de gymnastique féminine Femina Sport, créée quelques années plus tôt pour favoriser la pratique des exercices physiques des femmes de classes modestes, employées, ouvrières. Après plusieurs parties entre elles durant le mois d’octobre, ces footballeuses n’ayant pas trouvé d’équipe féminine pour faire des matches, rencontrent des équipes scolaires masculines, rencontres sans doute facilitées par la fonction du directeur de Femina Sport, Pierre Payssé, professeur de gymnastique au Lycée Buffon. Elles jouent en effet d’abord contre les élèves de cet établissement le dimanche 28 octobre, offrant ainsi pour la première fois aux spectateurs, un match « mixte », alors que la mixité des filles et des garçons est tant redoutée à l’école. Puis elles jouent contre d’autres équipes masculines de jeunes gens âgés d’une quinzaine d’années issues d’autres établissements scolaires parisiens, les lycées Charlemagne, Henri IV, Carnot, le Collège Sainte-Barbe. Elles rencontrent également les équipes de jeunes des grands clubs sportifs de la capitale, le Stade Français, le Club Français, le Club Athlétique de la Société Générale. Les matches se terminent le plus souvent à l’avantage des masculins ; en seize parties jouées en cinq mois, elles comptent une seule victoire et deux matches nuls.
On ne peut que s’étonner de l’organisation de matches mixtes alors que les activités de chacun sont par ailleurs traditionnellement séparées. « La différenciation sexuelle des espaces et la non-mixité demeurent le canevas d’organisation majeur, à l’oeuvre à l’école », le siècle nouveau conservant les modèles établis de longue date par l’usage. Cette entorse à la tradition s’explique par un effectif féminin insuffisant pour envisager l’organisation de compétitions strictement féminines. Les footballeuses de la première heure sont trop peu nombreuses pour s’affronter entre elles. Ce sera également le cas en province quand les Rémoises jouent, en 1921, leurs premiers matches de football contre des jeunes garçons, les pupilles de la Société Sportive du Parc Pommery. L’organisation matérielle de ce sport nouveau prend le pas sur les préjugés et ce sont donc bien les circonstances qui sont à l’origine de cette pratique mixte. Toutefois dans ce cas présent, la mixité est à relativiser, il s’agit davantage d’un affrontement entre les deux sexes qu’une réelle pratique mixte. Le projet plus audacieux de formation d’équipes composées de sept footballeuses et de quatre footballeurs vétérans pour permettre aux jeunes filles « d’acquérir le sens pratique tactique du jeu » proposé par Gabriel Hanot (capitaine de l’équipe de France de football et rédacteur en chef du Miroir des Sports) ne voit pas le jour.
Malgré leur succès, ces rencontres opposant jeunes filles et jeunes gens cessent dès l’année suivante sans doute en raison des réticences des instances fédérales masculines et de la création progressive d’autres équipes féminines. La mixité apparue comme une concession aux difficultés organisationnelles, comme c’est le cas dans certaines petites écoles rurales, est pour le moins une solution éphémère. La séparation des sexes s’impose et désormais les filles ne pratiquent le football qu’entre elles. Tout sera mis en œuvre pour éviter de faire voisiner sur les mêmes terrains les filles et les garçons.
Les spécificités du football « féminin »
A défaut de pouvoir intégrer la vie fédérale masculine, les sections ou sociétés féminines fondent leur propre fédération multisports autonome : la Fédération des Sociétés Féminines et Sportives de France, déclarée officiellement en janvier 1918. D’abord administrée par un bureau essentiellement masculin, elle se féminise dès l’année suivante, sous la présidence de Alice Milliat. Le football féminin, s’organisant au sein de ce groupement chargé de vulgariser les activités physiques pour les femmes et les jeunes filles, devient-il une réplique de celui joué par les garçons ou possède-t-il une certaine spécificité comme le qualificatif « féminin » le laisse supposer ?
La fédération crée, selon le modèle masculin, un championnat parisien puis, malgré le faible nombre d’équipes, un championnat de France. Cependant les règles du jeu sont tout spécialement adaptées à la constitution féminine. « Tout ce qui peut rappeler le jeu masculin et ses gestes un peu rudes » est supprimé6. Tout contact entre joueuses est interdit. Le temps de jeu est réduit (une heure au lieu d’une heure trente) de même que les dimensions du terrain. Le jeu est ainsi « édulcoré, dénicotinisé », selon l’expression de Payssé, ou en d’autres termes « adouci, adapté, féminisé » selon Pefferkorn. Ces précautions prises pour limiter l’engagement physique des femmes, ménager leur corps des dangers de la compétition, illustrent la représentation de la femme, un être naturellement faible et fragile que l’on se doit de protéger. Bien que dans les années 1920 se multiplient les signes d’émancipation féminine, souvent symbolisée par les cheveux courts à la garçonne, l’image traditionnelle de la femme naturellement fragile, assurant la fonction de mère de famille, d’épouse et de gardienne du foyer perdure.
A défaut de pouvoir intégrer la vie fédérale masculine, les sections ou sociétés féminines fondent leur propre fédération multisports autonome : la Fédération des Sociétés Féminines et Sportives de France, déclarée officiellement en janvier 1918. D’abord administrée par un bureau essentiellement masculin, elle se féminise dès l’année suivante, sous la présidence de Alice Milliat. Le football féminin, s’organisant au sein de ce groupement chargé de vulgariser les activités physiques pour les femmes et les jeunes filles, devient-il une réplique de celui joué par les garçons ou possède-t-il une certaine spécificité comme le qualificatif « féminin » le laisse supposer ?
La fédération crée, selon le modèle masculin, un championnat parisien puis, malgré le faible nombre d’équipes, un championnat de France. Cependant les règles du jeu sont tout spécialement adaptées à la constitution féminine. « Tout ce qui peut rappeler le jeu masculin et ses gestes un peu rudes » est supprimé6. Tout contact entre joueuses est interdit. Le temps de jeu est réduit (une heure au lieu d’une heure trente) de même que les dimensions du terrain. Le jeu est ainsi « édulcoré, dénicotinisé », selon l’expression de Payssé, ou en d’autres termes « adouci, adapté, féminisé » selon Pefferkorn. Ces précautions prises pour limiter l’engagement physique des femmes, ménager leur corps des dangers de la compétition, illustrent la représentation de la femme, un être naturellement faible et fragile que l’on se doit de protéger. Bien que dans les années 1920 se multiplient les signes d’émancipation féminine, souvent symbolisée par les cheveux courts à la garçonne, l’image traditionnelle de la femme naturellement fragile, assurant la fonction de mère de famille, d’épouse et de gardienne du foyer perdure.
Les hostilités à l’égard du football « féminin »
Peu compatible avec la féminité telle qu’on la définit alors, le football féminin devient la cible privilégiée des critiques à un moment où l’on dénonce par ailleurs les dangers du sport, les excès de la compétition, le racolage, l’amateurisme marron. Malgré les modifications ou atténuations apportées, le football pour le genre féminin « n’est pas convenable parce que… ça ne se fait pas. On ne voit pas une jeune fille comme il faut en train de faire du football en costume de garçon, avec de gros souliers boueux, et de courir comme une folle, la figure rouge et suante, et de se bousculer avec d’autres jeunes filles plus ou moins comme il faut ». Il n’est pas compatible avec l’élégance et la grâce qui sont les caractéristiques du féminin. Trop violent, il est tenu pour une inconvenance et un danger. « Le geste de lancer le pied dans un ballon exerce une pression abdominale très intense qui pourrait avoir les plus graves effets sur les organes de la femme. Sa pratique aurait sur l’enfant en gestation une influence néfaste à son épanouissement ». Certains pensent même que le football pourrait condamner la femme à la stérilité. Non seulement les efforts exigés en compétition sont considérés comme excessifs et nuisibles à la constitution féminine mais le spectacle offert est aussi décrié, considéré comme indécent. « Que les jeunes filles osent courir après un ballon dans une prairie qui n’est pas entourée de murs épais, voilà qui est intolérable » ! On ne saurait accepter cette exhibition malsaine. On retrouve la peur de masculinisation des femmes, véritable « obsession collective » des années vingt12, qui vise toutes les « émancipées », intellectuelles, artistes, toutes celles qui osent s’aventurer sur des terrains qui ne sont pas à priori les leurs.
Ces critiques adressées au sport féminin en général et au football en particulier ralentissent son essor et limitent sa progression. Malgré les efforts de propagande, le football féminin a des difficultés à se développer dans la région parisienne et plus encore en province. Les effectifs stagnent dès le milieu des années vingt et se limitent au mieux à une quinzaine de clubs. Le football féminin vivote jusqu’en 1937, puis disparaît à la veille de la Seconde Guerre mondiale. La politique de Vichy pourtant favorable au sport et au sport féminin ne profite pas au football qui, considéré comme nocif, est interdit aux femmes en 1941. Le football demeure une affaire d’hommes. Malgré une tentative éphémère entre 1947 et 1951, il ne réapparaîtra durablement qu’au milieu des années soixante.
Peu compatible avec la féminité telle qu’on la définit alors, le football féminin devient la cible privilégiée des critiques à un moment où l’on dénonce par ailleurs les dangers du sport, les excès de la compétition, le racolage, l’amateurisme marron. Malgré les modifications ou atténuations apportées, le football pour le genre féminin « n’est pas convenable parce que… ça ne se fait pas. On ne voit pas une jeune fille comme il faut en train de faire du football en costume de garçon, avec de gros souliers boueux, et de courir comme une folle, la figure rouge et suante, et de se bousculer avec d’autres jeunes filles plus ou moins comme il faut ». Il n’est pas compatible avec l’élégance et la grâce qui sont les caractéristiques du féminin. Trop violent, il est tenu pour une inconvenance et un danger. « Le geste de lancer le pied dans un ballon exerce une pression abdominale très intense qui pourrait avoir les plus graves effets sur les organes de la femme. Sa pratique aurait sur l’enfant en gestation une influence néfaste à son épanouissement ». Certains pensent même que le football pourrait condamner la femme à la stérilité. Non seulement les efforts exigés en compétition sont considérés comme excessifs et nuisibles à la constitution féminine mais le spectacle offert est aussi décrié, considéré comme indécent. « Que les jeunes filles osent courir après un ballon dans une prairie qui n’est pas entourée de murs épais, voilà qui est intolérable » ! On ne saurait accepter cette exhibition malsaine. On retrouve la peur de masculinisation des femmes, véritable « obsession collective » des années vingt12, qui vise toutes les « émancipées », intellectuelles, artistes, toutes celles qui osent s’aventurer sur des terrains qui ne sont pas à priori les leurs.
Ces critiques adressées au sport féminin en général et au football en particulier ralentissent son essor et limitent sa progression. Malgré les efforts de propagande, le football féminin a des difficultés à se développer dans la région parisienne et plus encore en province. Les effectifs stagnent dès le milieu des années vingt et se limitent au mieux à une quinzaine de clubs. Le football féminin vivote jusqu’en 1937, puis disparaît à la veille de la Seconde Guerre mondiale. La politique de Vichy pourtant favorable au sport et au sport féminin ne profite pas au football qui, considéré comme nocif, est interdit aux femmes en 1941. Le football demeure une affaire d’hommes. Malgré une tentative éphémère entre 1947 et 1951, il ne réapparaîtra durablement qu’au milieu des années soixante.
Les femmes au service du football masculin
Après une longue éclipse de près de trente ans, les femmes réapparaissent sur les pelouses des stades au milieu des années 1960 dans un contexte festif, à l’initiative des clubs masculins qui cherchent à redonner au spectacle de football davantage d’attrait. Alors que le football fait de plus en plus d’adeptes notamment parmi la jeunesse, un fléchissement du nombre de spectateurs affecte le football amateur comme le football professionnel. La pratique de « lever de rideau » féminin est une solution pour divertir et séduire les spectateurs masculins. Elle apparaît d’abord en 1965 à Humbécourt, un petit village haut-marnais à l’occasion de la fête du club, puis à Gerstheim pour l’inauguration du nouveau terrain en 1967, en 1968 à Reims pour le tournoi annuel, dans la banlieue lyonnaise enfin. Les femmes sont toutefois conviées sur les terrains pour remplir un rôle tout à fait traditionnel et conformiste. Déguisées pour l’occasion en « femmes-footballeurs », elles s’offrent ainsi aux regards masculins amusés par cette incongruité. On ne peut considérer cette entrée des femmes dans un univers masculin comme un profond bouleversement. Cette réapparition de la pratique du football féminin, réduit initialement à une parodie, traduit néanmoins l’existence d’un nombre suffisant de filles motivées, souvent spectatrices des exploits de leur père ou de leur frère, pour que la fête ne soit pas sans lendemain. Avec l’éclosion de plusieurs équipes se développe très rapidement une pratique compétitive pour elle-même qui perdure grâce à un contexte favorable plus durable qu’au début du siècle, lié notamment aux profonds changements affectant la vie sociale et culturelle des français. Né d’abord en Alsace et en Champagne-Ardenne, le football féminin gagne rapidement l’ensemble du territoire s’implantant d’autant plus facilement dans les régions où la pratique masculine est particulièrement développée, mais demeure toutefois un monde à part.
Après une longue éclipse de près de trente ans, les femmes réapparaissent sur les pelouses des stades au milieu des années 1960 dans un contexte festif, à l’initiative des clubs masculins qui cherchent à redonner au spectacle de football davantage d’attrait. Alors que le football fait de plus en plus d’adeptes notamment parmi la jeunesse, un fléchissement du nombre de spectateurs affecte le football amateur comme le football professionnel. La pratique de « lever de rideau » féminin est une solution pour divertir et séduire les spectateurs masculins. Elle apparaît d’abord en 1965 à Humbécourt, un petit village haut-marnais à l’occasion de la fête du club, puis à Gerstheim pour l’inauguration du nouveau terrain en 1967, en 1968 à Reims pour le tournoi annuel, dans la banlieue lyonnaise enfin. Les femmes sont toutefois conviées sur les terrains pour remplir un rôle tout à fait traditionnel et conformiste. Déguisées pour l’occasion en « femmes-footballeurs », elles s’offrent ainsi aux regards masculins amusés par cette incongruité. On ne peut considérer cette entrée des femmes dans un univers masculin comme un profond bouleversement. Cette réapparition de la pratique du football féminin, réduit initialement à une parodie, traduit néanmoins l’existence d’un nombre suffisant de filles motivées, souvent spectatrices des exploits de leur père ou de leur frère, pour que la fête ne soit pas sans lendemain. Avec l’éclosion de plusieurs équipes se développe très rapidement une pratique compétitive pour elle-même qui perdure grâce à un contexte favorable plus durable qu’au début du siècle, lié notamment aux profonds changements affectant la vie sociale et culturelle des français. Né d’abord en Alsace et en Champagne-Ardenne, le football féminin gagne rapidement l’ensemble du territoire s’implantant d’autant plus facilement dans les régions où la pratique masculine est particulièrement développée, mais demeure toutefois un monde à part.
Le football féminin : un monde à part
Sous la pression de la réalité, la Fédération Française de Football reconnaît la pratique féminine en mars 1970, de peur de voir s’ériger une organisation autonome. Bien qu’intégré à la Fédération, le football féminin n’occupe qu’une place singulière, au sein d’une Commission du football féminin. Comme au début du siècle, il s’organise dans un premier temps en s’adaptant aux particularités féminines, avec notamment un temps de jeu réduit, un ballon plus petit et la possibilité de se protéger la poitrine. La non-mixité demeure la règle. S’appuyant sur les conseils des docteurs Hurez et Mérault, le Statut fédéral féminin stipule d’ailleurs, en 1972, que les équipes mixtes et les matches mixtes, amicaux et officiels, sont formellement interdits.
Ces dispositions prises initialement dans le souci de préserver la santé des joueuses et de s’adapter à la faiblesse des effectifs disparaissent progressivement, les données scientifiques prenant le pas sur les préjugés. Petit à petit, de 1970 jusqu’à nos jours, le football féminin a tendance à se conformer au modèle masculin au plan institutionnel et réglementaire, comme la plupart des sports. Il est doté de la plupart des grandes compétitions nationales et internationales, le championnat de France en 1974, la coupe du Monde depuis 1991, le tournoi olympique depuis 1996. Quoiqu’il en soit, il n’acquiert pas la même aura, il n’attire ni les foules, ni les médias et reste, en France tout au moins, une pratique amateur. « Le football des hommes et le football des femmes sont deux planètes différentes. Eux ont des résultats, sont connus, et vivent de leur passion ; nous nous en survivons », dit avec regret Sandrine Roux, ancienne gardienne de but de l’équipe de France. Les joueuses demeurent très loin des transferts, des salaires colossaux, des hommes d’affaires et de la publicité. Conjugué au féminin, le football reste une activité marginale alors que, par ailleurs, il est devenu une passion planétaire. La pratique par des femmes du football n’est pas toujours prise au sérieux et est différemment appréciée. « On a vite fait de te traiter de garçon manqué, quand tu joues au ballon », regrette Hoda Lattaf, sélectionnée en équipe de France. Le football s’accommode mal avec l’idée que l’on se fait de la féminité. Aujourd’hui encore les préjugés à l’égard des footballeuses sont tenaces, même s’ils se traduisent plus discrètement : « ils s’euphémisent car il n’est pas de bon ton de pratiquer, explicitement, l’exclusion sexuelle ». Au sein même des clubs, les équipes masculines voient d’un mauvais œil les équipes féminines, et les ambitions de ces dernières sont le plus souvent considérées comme secondaires. Football féminin et football masculin fonctionnent fréquemment en deux sections bien distinctes et cohabitent difficilement dans une même structure. Cette situation de concurrence génère des conflits qui conduisent même quelquefois les sections féminines à disparaître ou à s’autonomiser. Toutefois, depuis 1990, pour accroître et améliorer les conditions de recrutement des jeunes, la mixité des équipes est encouragée par la Fédération Française de Football jusqu’à l’âge de la puberté. Dans les faits, elle demeure exceptionnelle. Les filles jouant dans une équipe de garçons font figure d’exception. Seules les joueuses possédant des capacités particulières peuvent s’investir. Dans les clubs ou sur le terrain, la séparation des sexes demeure le canevas d’organisation majeur.
Malgré les progrès de l’émancipation des femmes au cours du XXe siècle, la féminisation du football reste de nos jours problématique. L’égalité des hommes et des femmes pourtant reconnue dans nombre de discours est encore difficile à obtenir dans les faits. Le sport reste en effet fortement masculinisé, malgré l’augmentation du nombre de pratiquantes notamment depuis les années quatre-vingts. Le football, particulièrement accroché à l’image de virilité, oppose une lourde résistance à sa féminisation. La remise en question des idéaux convenus de la féminité ne va pas sans obstacle. Le football est en cela le reflet des rapports de sexe dans notre société. L’inégal accès au football et l’inégale valorisation de ses pratiquants sépare encore aujourd’hui hommes et femmes. La professionnalisation du football féminin serait-elle une force de progrès vers davantage d’égalité ?
Sous la pression de la réalité, la Fédération Française de Football reconnaît la pratique féminine en mars 1970, de peur de voir s’ériger une organisation autonome. Bien qu’intégré à la Fédération, le football féminin n’occupe qu’une place singulière, au sein d’une Commission du football féminin. Comme au début du siècle, il s’organise dans un premier temps en s’adaptant aux particularités féminines, avec notamment un temps de jeu réduit, un ballon plus petit et la possibilité de se protéger la poitrine. La non-mixité demeure la règle. S’appuyant sur les conseils des docteurs Hurez et Mérault, le Statut fédéral féminin stipule d’ailleurs, en 1972, que les équipes mixtes et les matches mixtes, amicaux et officiels, sont formellement interdits.
Ces dispositions prises initialement dans le souci de préserver la santé des joueuses et de s’adapter à la faiblesse des effectifs disparaissent progressivement, les données scientifiques prenant le pas sur les préjugés. Petit à petit, de 1970 jusqu’à nos jours, le football féminin a tendance à se conformer au modèle masculin au plan institutionnel et réglementaire, comme la plupart des sports. Il est doté de la plupart des grandes compétitions nationales et internationales, le championnat de France en 1974, la coupe du Monde depuis 1991, le tournoi olympique depuis 1996. Quoiqu’il en soit, il n’acquiert pas la même aura, il n’attire ni les foules, ni les médias et reste, en France tout au moins, une pratique amateur. « Le football des hommes et le football des femmes sont deux planètes différentes. Eux ont des résultats, sont connus, et vivent de leur passion ; nous nous en survivons », dit avec regret Sandrine Roux, ancienne gardienne de but de l’équipe de France. Les joueuses demeurent très loin des transferts, des salaires colossaux, des hommes d’affaires et de la publicité. Conjugué au féminin, le football reste une activité marginale alors que, par ailleurs, il est devenu une passion planétaire. La pratique par des femmes du football n’est pas toujours prise au sérieux et est différemment appréciée. « On a vite fait de te traiter de garçon manqué, quand tu joues au ballon », regrette Hoda Lattaf, sélectionnée en équipe de France. Le football s’accommode mal avec l’idée que l’on se fait de la féminité. Aujourd’hui encore les préjugés à l’égard des footballeuses sont tenaces, même s’ils se traduisent plus discrètement : « ils s’euphémisent car il n’est pas de bon ton de pratiquer, explicitement, l’exclusion sexuelle ». Au sein même des clubs, les équipes masculines voient d’un mauvais œil les équipes féminines, et les ambitions de ces dernières sont le plus souvent considérées comme secondaires. Football féminin et football masculin fonctionnent fréquemment en deux sections bien distinctes et cohabitent difficilement dans une même structure. Cette situation de concurrence génère des conflits qui conduisent même quelquefois les sections féminines à disparaître ou à s’autonomiser. Toutefois, depuis 1990, pour accroître et améliorer les conditions de recrutement des jeunes, la mixité des équipes est encouragée par la Fédération Française de Football jusqu’à l’âge de la puberté. Dans les faits, elle demeure exceptionnelle. Les filles jouant dans une équipe de garçons font figure d’exception. Seules les joueuses possédant des capacités particulières peuvent s’investir. Dans les clubs ou sur le terrain, la séparation des sexes demeure le canevas d’organisation majeur.
Malgré les progrès de l’émancipation des femmes au cours du XXe siècle, la féminisation du football reste de nos jours problématique. L’égalité des hommes et des femmes pourtant reconnue dans nombre de discours est encore difficile à obtenir dans les faits. Le sport reste en effet fortement masculinisé, malgré l’augmentation du nombre de pratiquantes notamment depuis les années quatre-vingts. Le football, particulièrement accroché à l’image de virilité, oppose une lourde résistance à sa féminisation. La remise en question des idéaux convenus de la féminité ne va pas sans obstacle. Le football est en cela le reflet des rapports de sexe dans notre société. L’inégal accès au football et l’inégale valorisation de ses pratiquants sépare encore aujourd’hui hommes et femmes. La professionnalisation du football féminin serait-elle une force de progrès vers davantage d’égalité ?